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Les Américains du 11th Engineers dans la « bataille de Cambrai » de novembre 1917.


Monsieur Jean-Luc Gibot a relaté l’intervention de ces Américains dans la revue «Jadis en Cambrésis» N° 38 Janv 88.
La bataille de Cambrai -20 novembre au 6 décembre 1917- dans la nomenclature officielle britannique , concerne les opérations qui se sont déroulées sur le front de la Troisième Armée Britannique commandée par le général Julian BYNG.
L'innovation a été l'utilisation en masse de chars de combat de type Mark IV pour franchir la célèbre ligne Hindenburg.
La concentration de ces 438 tanks et l'acheminement de ces mastodontes de 28 tonnes, aux différents points de départ du front, représenta une lourde tâche!
Cette mission échut à un régiment spécialisé : The Eleventh Engineers (Railway) U.S.Army c'est-à-dire le 11e Régiment américain du Génie.
Ce régiment, composé de réservistes, a été constitué dès le 3 février 1917 dans la ville de New-York. L' entraînement se déroulait dans un camp construit de leurs propres mains à Fort Totten sur l'île de Long Island, a proximité de lieux non existants à cette époque mais aujourd'hui célèbres tels Flushing Meadow et l'aéroport de La Guardia.
Lorsque les États-Unis entrent en guerre le 6 avril 1917, ces hommes déjà bien entraînés, chez qui on a développé un "esprit de corps", se sentent prêts à affronter la rude épreuve du front. On sent d'ailleurs leur impatience dans leur slogan pour le recrutement : "Nous serons les premiers en France". Le bureau d'enrôlement vit défiler 6000 volontaires parmi lesquels 1200 seront finalement retenus.
Le 14 juillet 1917, à 2h35 de l'après-midi, le "Carpathia" avec à son bord tout le 11e Génie glissait lentement devant la statue de la Liberté, cap sur l 'Europe.
Après avoir séjourné quelque temps en Grande-Bretagne, participant à des parades, passés en revue par le Roi d'Angleterre George V, ils touchent le sol de France à Boulogne le 7 août 1917. Ils auront été devancés de peu par la 1ère Division d'Infanterie "The Big Red One" qui débarqua le 26 juin 1917.
Le 16 août, ils sont à pied d’oeuvre au Plateau près de Maricourt au coeur du champ de bataille de la Somme.
Ils sont rattachés à la Troisième Armée Britannique pour la remise en état de l'infrastructure ferroviaire au voisinage du front, en particulier sur la ligne Roisel-Cambrai. Le travail à effectuer au nord d'Epehy est considérable : le pont qui enjambe la ligne a été complètement détruit en mars 1917 lors du repli allemand ; la ligne entre Epehy et Gouzeaucourt est coupée de tranchées, parsemée de trous de mines donc totalement inutilisable.
Le pont Caîffa à hauteur du bois de Villers-Guislain, s'agissant d'un pont métallique il a été basculé sur la voie dans un enchevêtrement de ferrailles tordues. La gare de Gouzeaucourt n'est plus qu'un amoncellement de débris.
Les conditions de travail pour ces spécialistes du chemin de fer ne sont pas comparables à leur activité dans la vie civile. Ils vivent dans un camp de toile situé entre Fins et Sorel-Le- Grand. Ils sont soumis au feu de l'artillerie car la ligne de chemin de fer est tenue par les Allemands dès le nord de Villers-Plouich à guère plus de 2 km de la gare de Gouzeaucourt.
Le premier incident sérieux se produit le 5 septembre 1917 : un détachement de la compagnie F travaillait près des ruines de la gare de Gouzeaucourt ; le sergent Calderwood et le soldat Brannigan furent blessés par des éclats d'obus.
Ce sont là les premières pertes subies par l'armée américaine durant la Première Guerre Mondiale.
Lorsque le plan de la bataille de Cambrai fut arrêté, l'activité redoubla. Il incombait en effet au 11e Génie américain de construire un tronçon de ligne nouvelle entre Heudicourt et la ferme de La Vaucelette. Cette construction reliait la ligne de "Vélu-Bertincourt" à la ligne des Chemins de Fer du Nord (Cambrai-Paris par Chaulnes). Le travail s'effectuait en grande partie la nuit, les déblais du sous-sol crayeux étant transportés à plusieurs centaines de mètres pour ne pas éveiller l'attention des avions d'observation allemands, compte tenu de la proximité de la ligne de front. Un quai de déchargement fut même construit en pleine campagne pour acheminer les 84 tanks des bataillons C et F. Le 28 novembre, ils croyaient en avoir fini avec leur peine quand ils parvenaient à raccorder la ligne reconstruite à l'ancienne ligne abandonnée intacte, dans la précipitation, par les Allemands entre Villers-Plouich et Marcoing.


30 NOVEMBRE 1917 :
Sous l'impulsion de Ludendorf, pour la première fois depuis Ypres en 1915, les Allemands prennent l'initiative de l'offensive.
Les groupes Caudry (XIIIe Corps) et Busigny (XXIIIe Corps de Réserve) ont pour objectif de couper le saillant formé par l'attaque victorieuse conduite par les tanks.
En face les troupes britanniques du IIIe Corps sont fatiguées. Elles n'ont pas été relevées depuis le début de l'offensive, le 20 novembre!
Les hommes du 11e Génie américain ont quitté leur camp de Sorel comme chaque matin vers 6h30. Le capitaine Hulsart, qui les commande suivant la suggestion des Canadiens du 4e Canadian Railxay, ordonne à ses hommes de laisser leur fusil au camp. En effet le vacarme de la
bataille s'est éloigné vers Bourlon. La contre-attaque allemande aussi puissante que soudaine va s'abattre sur une troupe sans armes qui travaille de part et d'autre de la gare de Gouzeaucourt.
Sous le feu de l'artillerie les officiers américains organisent le repli de leurs troupes et font preuve d'un courage extraordinaire.
Arrivés au camp, on contemple l'étendue des pertes : 13 hommes ont été blessés, 17 manquent à l'appel dont 11 prisonniers ; 6 hommes ont donc donné leur vie; Le 18 décembre un aumônier britannique retrouve les corps de Michael Dina et Harold Andrews et les ensevelit. (Harold
Andrews à la demande de sa famille repose aujourd'hui au cimetière de Portland dans le Maine - U.S.A.). La tombe de Michael Dina a disparu lors de combats ultérieurs.
Les corps de Solomon Golwater, Luke Lovely, Michael Dina, Dalton Ranlet et Alphonsus McGrath dorment à tout jamais dans notre terre du Cambrésis sans avoir été retrouvés. C’est seulement en 1955 que le corps de Dalton Ranlet fut retrouvé lors de la construction d’immeubles Avenue du Général de Gaulle, son corps est maintenant enterré au cimetière de Bony.


APRES LA BATAILLE : HONNEURS ET CITATIONS
Pour leur courage extraordinaire et leur héroïsme le capitaine Hulsart, le lieutenant Mac Loud et le sergeant Donald Mac Isaac se verront décerner la Distinguished-Service Cross ainsi que la British Military Cross pour les deux premiers et la British Military Medal pour le sergeant Donald MacIsaac.
Gouzeaucourt devait voir la construction de deux monuments, un pour l'incident du 5 septembre 1917, et un autre pour les combats du 30 novembre 1917. Un comité s'était constitué à New-York pour appuyer la démarche de reconnaissance.
Malheureusement un acte du Congrès américain de 1923 décida qu'il ne serait pas érigé de monument pour les unités inférieures à la division.
Cependant, les hommes du 11e Engineers auront maintenant un monument à Gouzeaucourt dédié à leurs mémoires.
C’est sous l’impulsion et le financement par le « 11th Engineer Battalion Association », sous la présidence de Joe Papapietro , Colonel Corps of Engineers US Army (Ret), que ce mémorial sera inauguré à Gouzeaucourt le 23 et 24 septembre 2017.